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Ateneo Republicano du Limousin
31 mai 2010

Festival Bobines rebelles

Dans le cadre du festival du Troisième festival du documentaire politique et social en Creuse

Vous pouvez voir le programme ci dessous :

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L'Ateneo vous recommande ce film en particulier et nous pourrions organiser un covoiturage pour assister à cette projection - samedi 12 à 13h30.

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Produit par La compagnie des taxi-brousse et France 3 Midi-Pyrénées Languedoc-Roussillon.

... En novembre 1939, à Elne, à côté de Perpignan, Elisabeth Eidenbenz, une jeune institutrice du Secours suisse aux enfants victimes de la guerre, aménage une maternité de fortune dans un château à l’abandon. La maternité suisse d’Elne permettra à plus de six cents enfants de naître et de survivre à l’écart des camps, jusqu’à sa fermeture par les Allemands en avril 1944.

Le réalisateur Frédéric Goldbronn a retrouvé une vingtaine d’enfants nés dans ce lieu, des mères et des membres du personnel de l’époque. Ils ont été réunis pendant plusieurs jours dans le château qui abritait la maternité. Le film est le récit de cette rencontre.

Article de LLibert Tarragó dans son blog: les trottoirs de Barcelone le 20 juin 2008
Jeannette est la soeur de Martine Alquier Dominguez, adhérente de l'Ateneo Republicano du Limousin

J’écris ton prénom, Elna !

À Jeannette

D’une assez longue exploration à la bibliothèque de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales, j’avais pu conclure que la recherche sociologique s’était peu préoccupée des prénoms, bien que ceux-ci jouent un rôle important dans les processus d’identification, de transmission et de distinction chez le commun des mortels. D’une autre exploration aux archives de l’état-civil de Brive-la-Gaillarde, j’avais noté la destinée des prénoms durant le processus de déchristianisation de la Révolution française. La disparition des saints profitait aux éléments de la nature, des mois, des instruments aratoires. Ainsi, un garçon pouvait-il se prénommer Sarcloir, Abricot ou Messidor, une fille Binette, Cèleri ou Myrtille. Cela peut prêter à sourire, mais ces prénoms sont les signes d’un univers mental qui était en train de se forger autour de valeurs nouvelles.
Dans l’orchestre de nos existences, le nom frappe le tambour et le prénom joue de la flûte à bec. « Nous appelons agrandir nostre nom, l’estandre et semer en plusieurs bouches ; nous voulons qu’il y soit receu en bonne part et que cette sienne accroissance luy vienne à profit : voylà ce qu’il y peut y avoir de plus excusable en ce dessein. » (Montaigne, Les Essais, Livre II, chapitre XVI). Le prénom, « l’autre nom, dit Montaigne, (…) est à quiconque aura envie de le prendre », est d’abord la pluie fine d’un appel aimant, ensuite il peut devenir aussi une sorte d’agent de la mémoire.
Ce n’est pas sans une pointe de curiosité accompagnée d’un mélodieux sentiment que je notai un jour sur la boîte à lettres de mon frère un Joan Ramon apparaître soudain à la place de Jean Raymond. Il reprenait donc la main avec notre père Joan et notre grand-père Ramon.
Vous êtes quelques-uns à savoir combien mon prénom m’habite. Certains jours, c’est le timbre de Mauthausen où je suis « né » qui se colle à ma tempe : barbelés, fumées, résistance ; d’autres jours, c’est une marguerite de la liberté qui fleurit à mes lèvres. Innocent prêt à signer un chèque, je m’étais rendu le jeudi 18 avril 1991 à Drouot, la salle des ventes parisienne, pour tenter d’acquérir le manuscrit autographe de Liberté, le poème de Paul Éluard. Il me manquait quelques zéros pour m’en rendre maître, mais au moins avais-je pu caresser les cinq feuillets de cahier d’écolier et lire l’original des 21 quatrains…

Sur mes cahiers d’écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable sur la neige
J’écris ton nom
(…)
Et par le pouvoir d’un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer
Liberté.

Enfin, je n’ai pas besoin d’expliquer autour de quelles valeurs une Marianne fut inscrite, il y a quelques années, dans le monde, afin qu’elle s’accordât à la livrée de son parrain, votre serviteur.
Ce long préambule sert une belle histoire de prénom qui vient de survenir à Barcelone. Elle pend joliment au fil de la mémoire collective et je ne peux manquer de la dédier à Jeannette, fillette quand j’étais bambin au sein de la grande famille composée des républicains espagnols réfugiés à Brive.

okchateaudenLe 14 juillet 2005, Jeannette et sa sœur Martine m’avaient téléphoné pour que je les rejoigne à Elne (Elna en catalan, ça a son importance pour la suite) où, ce jour-là, Nicolas Garcia, le maire, célébrait le rachat de la maternité suisse par la commune. Au moins dix années auparavant, un article paru dans Le Monde avait attiré ma curiosité sur l’histoire du lieu : une jeune volontaire du Secours Suisse aux Enfants, Elisabeth Eindenbenz, avait monté à Elne, en 1939, une maternité pour qu’accouchent les femmes républicaines prises, avec elle, dans la marée de l’exode puis enfermées dans les camps d’Argelès et de Saint-Cyprien.

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okeidenbenz2Ce n’est que ce 14 juillet 2005 que j’allais apprendre, après avoir retrouvé les deux sœurs sur place, que Jeannette était l’un des 597 enfants nés à cet endroit entre 1939 et 1944. De mères espagnoles et plus tard de mères juives, tziganes, polonaises, tchèques du camp de Rivesaltes.

Jusqu’à cette date, les Catalans d’Espagne étaient rares sur les placettes d’Elne. La ville occupe une petite butte et elle dévale sur ses jupes tirées par la plaine du Roussillon, entre Perpignan et Collioure, en retrait de la Côte Vermeille. Sa cathédrale marche le col haut et son cloître est un grand classique des concerts d’ombres. Un petit musée est consacré à Terrus, un peintre paysagiste, ami de Matisse et associé aux avant-gardes du début du XXème siècle. Le peintre elnois a produit une peinture agréable à regarder, très formelle, envisagée depuis la lumière, la construction et la couleur.
Depuis 2005, à la faveur d’un livre et d’une émission à la télévision émettant depuis Barcelone, et, plus amplement, à la faveur du mouvement de « récupération de la mémoire historique » (formule travaillée par les descendants de la République abattue par Franco), le beau courage d’une Suissesse de 26 ans sème le prénom Elna dans l’état-civil catalan. Pourtant, 69 ans ont passé depuis la première naissance enregistrée dans la maternité de la « demoiselle courage ».
Le dimanche 8 juin, à midi, 66 fillettes ou bébés prénommés Elna ont été rassemblés dans le parc de La Ciutadella, le petit Bois de Boulogne de Barcelone, pour une photo qui devait être remise le jeudi 12 juin à Elisabeth Eindenbenz pour ses 95 ans. Deux futures mamans portaient une Elna dans leur ventre.

 

bebe   6255090

 

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