AUJOURD'HUI, À LIMOGES,
HOMMAGE AUX RÉPUBLICAINS ESPAGNOLS
Une simple repentance
ne suffirait pas
Soixante-dix ans après
l'entrée des nationalistes dans Madrid, signant ainsi la victoire de Franco,
l'Ateneo Republicano du Limousin organise une journée autour du travail de
mémoire et de l'exil.
Quatre
jours après la chute de Madrid aux mains des troupes fascistes, le général
Franco publie un communiqué de victoire: «La guerre est finie». Après trois
ans d'un conflit fratricide qui a fait 400.000 morts et autant d'exilés, l'Espagne
va composer avec le mensonge pour laisser la place à un Etat totalitaire. Nous
sommes alors le 1eravril 1939. Soixante-dix ans après, les
descendants des Républicains n'ont pas terminé leur combat, celui du respect
de l'Histoire. Aujourd'hui, à Limoges, ils se retrouvent pour une jour-' née de
réflexion intitulée «Mémoire et exils de
l'Espagne Républicaine». Invitée d'honneur de cette manifestation, Carmen Negrin,
petite-fille de Juan Negrin; dernier président de la. République, parle de
son grand- père avec émotion: «Il est important de nettoyer sa mémoire. On l’a
accusé de beaucoup de choses, notamment son rapprochement avec les communistes
et le fait d'avoir transféré la moitié des réserves d'or â Moscou. ]'ai donc
décidé de donner accès aux archives à différents historiens pour que l'on
sache la vérité car l'histoire de mon grand-père, en tant que dirigeant
responsable, c'est aussi celle de la République». L’ancienne salariée de l'Unesco
veut aussi aller plus loin dans la reconnaissance historique. Elle s'engage
alors dans un véritable travail de mémoire: «I.:arrivée au pouvoir de Félipe
Gonzalez a conduit à tourner la page. Ça n'a satisfait personne, même si on
peut comprendre qu'il était commode, quand on vivait en Espagne, d'oublier
Franco. Vu de l'extérieur, c'est différent car c'est une guerre qui a été
perdue trois fois: militairement, après .la seconde guerre mondiale, puis quand
Franco a été reconnu par les Nations Unies. On ressent encore cela comme une
énorme injustice et on ne peut pas l'oublier». Ce
ressentiment est exacerbé par le fait qu'Aznar s'est appuyé sur les thèses de
Franco pour fédérer la droite espagnole. «Il a réécrit l'Histoire, ce qui
était intolérable», constate Carmen Negrin. Zapatero a rétabli un climat de
confiance, notamment en faisant voter la loi de la Mémoire historique officiellement
qualifiée de loi pour que soient reconnus et étendus les droits et que soient
établis des moyens en faveur de ceux qui ont souffert de persécution ou de
violence durant la Guerre
civile et la Dictature.
«Ce geste ne doit pas être un point final, poursuit la petite-fille du
président républicain. L’État doit maintenant assumer entièrement la
responsabilité des fouilles dans les fosses communes et des recherches de ceux
qui sont morts injustement et sans procès. Contrairement aux Allemands qui
ont fait l'effort de comprendre, les Espagnols essayent à peine d'en parler.
Il faut aller au bout de la démarche et ne jamais manquer de courage face à l'Histoire».
Mais ne lui demandez pas un acte de repentance du gouvernement espagnol. Le
roi Juan Carlos aurait pu le faire. «Je demande simplement justice», rétorque
Carmen Negrin. Elle ajoute: «Une grande partie de la droite espagnole ne sait
pas ce que répentance veut dire et elle craint surtout de devoir payer». Absente
du pouvoir politique depuis mars 2004, la droite reste aux affaires au travers
de ses réseaux financiers, de l'Opus Dei ou d'autres sectes internationales. «Seuls
la justice et le droit peuvent nous permettre de demander réparation. S'il le
faut, on ira devant la Cour
européenne de Justice ou devant le Tribunal de La Haye. Cette démarche
se fera alors avec beaucoup de tristesse car elle signifierait que l'Espagne
n'est pas capable d'accepter une nouvelle façon de penser et de regarder son
histoire. Ce qui signifie qu'elle serait condamnée à ne pas progresser et
qu'elle s'expose au risque de répéter les mêmes erreurs», avance Carmen Negrin.
Revenant
sur une réhabilitation nécessaire de Juan Negrin, elle estime que le grand échec
de son grand-père est de n'avoir pas pu convaincre les Espagnols de la
nécessité à faire durer le conflit pour l'enclencher dans la seconde guerre
mondiale qu'il pressentait. Elle ajoute: «Il avait étudié en Allemagne et il
savait ce qui s'y préparait. Puis il n'a pas réussi à convaincre ni les
Français qui étaient sous pression avec le Front populaire, ni les Anglais qui
ont ménagé Franco pour conserver Gibraltar. Son dernier espoir, Roosevelt, est
mort trop tôt». Elle conclut: «La maturité de la démocratie doit permettre de
vaincre le mensonge. L’État espagnol doit montrer de l'intérêt en Supprimant
par exemple les condamnations à mort qui ne sont toujours pas abolies. Le
travail de mémoire doit se poursuivre car la réconciliation est difficile dans
les conditions actuelles. Les Républicains exilés ont été très patients».